C'est par cette mort dramatique de celui que l'on a appelé le peintre fou qu'a débuté le tournage du film "La vie passionnée de Vincent Van Gogh", réalisé par Vincente Minelli, d'après le livre fameux d'Irwing Stone, Lust For Life, avec la collaboration de toute une équipe de techniciens venue de Hollywood.
Dans un film qui retrace toute la vie ardente d'un peintre, il va sans dire que la couleur joue un rôle prépondérant. De nombreux essais furent tournés, avec divers procédés. Finalement, le metteur en scène Minelli arrêta son choix sur l'Anscocolor, dont le principal mérite est restituer parfaitement les jaunes, couleurs favorites de Van Gogh. Afin de capter le maximum de lumière et d'utiliser les larges paysages qui l'inspirèrent, on décida aussi de réaliser le film en Cinémascope.
La Vie passionnée de Vincent Van Gogh est un projet qu ne date pas d'hier, et le choix de l'interprète, évidemment capital, ne s'est fixé qu'après maintes réflexions. Tous les grands de Hollywood eussent donné beaucoup pour incarner un tel personnage, Kirk Douglas, qui fut désigné, ne cacha pas la joie qu'il éprouvait. Il savait qu'il avait là l'occasion de se surpasser et de jouer son plus beau rôle. Il se mit d'ailleurs à l'ouvrage avec un enthousiasme débordant , lisant toutes les biographies parues, courant les musées, recueillant les témoignages les plus divers. Quant à Anthony Quinn, qui sera Gauguin, compagnon de Van Gogh, il est tout aussi ravi de son rôle et le fait voir.
Kirk Douglas répondant aux questions d'un radioreporter.
Quelques jours avant sa mort, le peintre avait assisté aux fêtes du 14 juillet et rêve devant les manèges.
La cantine de l'équipe a été installée sous le préau de l'école Vavasseur. Les techniciens et vedettes y déjeunent ensemble.
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Il y a 125 ans, un triste coup de révolver mettait fin à la vie de Vincent Van Gogh. Après avoir peint une dernière toile, ce singulier "Vol des corbeaux sur un champ de blé" où l'on voit tournoyer deux soleils et tituber les oiseaux sur l'or des moissons, le peintre génial s'était gauchement suicidé d'une balle dans la poitrine. Il mit des heures à mourir, sur le maigre lit où il s'était traîné, fumant pipe après pipe, veillé par son bon frère Théo et ses amis d'Auvers-sur-Oise. Il ne gouvernait plus les visions qui l'assaillaient. Il était âgé de trente-sept ans. Il n'avait jamais connu la douceur de vivre...
John Houseman, qui produit le film, a voulu avant tout l'adaptation cinématographique soit conforme à la vérité, et respecte scrupuleusement tous les détails connus. C’est pourquoi il n'a pas hésité à faire franchir l’Atlantique et tout le continent américain à sa troupe pour retrouver exactement les paysages et les lieux où vécut Van Gogh, les campagnes de Hollande et de Belgique, les terres de Provence et de Camargue, et cette plaine d'Ile de France qui vit ses derniers jours.
Quelques figurants
Depuis 1890, le petit village ami des peintres n'a guère changé. En quelques heures, les décorateurs lui ont fait retrouver son visage d'autrefois, d'ailleurs servis par des documents de choix, les propres toiles du peintre. Une fête foraine y a été installée, avec ses manèges, ses fanfares et ses lampions multicolores, et les habitants, costumés à la mode d'antan, ont fait office de figurants. Quant au champ tragique, heureusement semé de blé cette année comme en 1890, il avait été loué au préalable au fermier afin que la caméra puisse le retrouver dans l'état où le peignit l'artiste, à demi moissonné. Les corbeaux, enfin, indispensables comparses, avaient été importés d'un marais proche.
Lorsque Minelli et son équipe auront achevé leur travail à Auvers-sur-Oise, aussi minutieux qu'une reconstitution historique, il mettront le cap sur la Provence, où Van Gogh résida quelque temps et vécut dans un asile en compagnie des malades mentaux. Ils iront ensuite en Hollande, où il naquit, et en Belgique. Ils rentreront à Hollywood pour réaliser en studio les scènes d'intérieur. Un vis aussi extraordinaire que celle de Van Gogh, où la folie et les comportements les plus déroutants voisinent avec les créations de génie, semble faite aux mesures du cinéma. Il fallait seulement, pour la comprendre, mettre tous les atouts dans le jeu. Ils sont ici réunis, sans contestation aucune, de façon magnifique.
Kirk Douglas prête la main à des travaux de terrassement, dans le champ où l'on va tourner le suicide.
La voyante, elle savait sans doute ce qu'il fixait : la mort...
Minelli fait une pause
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